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Triche au BAC 2025 à l’ère de l’intelligence artificielle : Entre dérive numérique et urgence éducative

Alors que les épreuves du baccalauréat débutent dans tout le Bénin, un incident attire l’attention au centre du Lycée Mathieu Bouké de Parakou. Un candidat, téléphone en main, a été surpris en train d’utiliser une intelligence artificielle pour s’assister en plein examen. La sanction est immédiate : exclusion.
Mais derrière ce geste individuel se cache une tension plus profonde : celle d’une école prise de court par des mutations technologiques qu’elle peine à anticiper et à encadrer.

Ce recours à l’IA ne saurait être réduit à une simple tentative de tricherie. Il traduit une fracture croissante entre les exigences académiques traditionnelles et l’environnement cognitif des élèves à l’ère numérique. Les outils d’intelligence artificielle ne sont plus perçus comme des luxes ou des gadgets, mais comme des extensions naturelles de la pensée.
Interdire leur usage sans former à leur maniement, c’est créer une zone grise où l’ignorance, la tentation et le risque se rencontrent.

Le cadre juridique : une rigueur parfois méconnue

Au Bénin, la loi est claire. L’article 550 du Code pénal stipule que toute fraude ou tentative de fraude aux examens d’État est passible de trois à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à un million de francs CFA.
Si les sanctions disciplinaires relèvent de l’autorité académique, les conséquences judiciaires peuvent être beaucoup plus lourdes si l’État décide de faire de tels cas des exemples. Le candidat exclu à Parakou pourrait ainsi faire face à une double peine : administrative et pénale.

Des dysfonctionnements alarmants

Cet incident n’est pas isolé dans un océan de normalité. Le chef centre, Robert Amon, a signalé ce jour-là 30 absences (25 garçons et 5 filles), un abandon inexpliqué, ainsi que plusieurs cas d’oubli de pièces d’identité, heureusement corrigés à temps.
Ces données, en apparence anecdotiques, révèlent des fragilités structurelles : stress excessif, désorganisation, ou encore manque d’accompagnement. Dans un système où plus de 79 000 candidats répartis dans 140 centres composent simultanément, chaque faille peut prendre une ampleur systémique.

L’école à la croisée des chemins

L’incident de Parakou soulève une question centrale : l’éducation doit-elle continuer à punir l’usage de l’intelligence artificielle ou apprendre à l’apprivoiser ?
Si les autorités éducatives font preuve de fermeté, leur silence sur l’intégration éthique et pédagogique des IA dans les cursus scolaires est préoccupant.
Car demain, ces mêmes élèves seront appelés à utiliser ces outils dans le monde professionnel. Refuser de les préparer aujourd’hui, c’est compromettre leur avenir.

Vers une pédagogie de la responsabilité

Cet incident met en lumière l’absence criante d’une pédagogie numérique structurée.
En l’absence d’une formation explicite sur ce qu’est une IA, sur ses limites, ses usages responsables et ses dérives, les élèves risquent de s’en remettre à leurs instincts, parfois au détriment de leur intégrité.
Former l’esprit critique, ce n’est pas seulement enseigner le raisonnement, c’est aussi apprendre à distinguer entre assistance technologique et substitution frauduleuse.

Une fracture à réparer

En définitive, l’affaire de Parakou n’est pas une simple entorse au règlement.
C’est un miroir tendu à une école en décalage avec son époque. C’est une alerte adressée aux décideurs politiques, aux pédagogues, aux familles. Car si l’on persiste à opposer l’éducation aux outils de son temps, ce sont les élèves qui paieront le prix d’une rigidité devenue obsolète.

Le choix est clair : former pour prévenir, ou punir sans comprendre.

Ablam AKODJEVO

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