Jeunesse et patriotisme : “Chômage et corruption tuent l’amour des jeunes pour la patrie” Euthime HESSOU
Dans un contexte où le patriotisme semble s’éroder face à la précarité et à la désillusion, les jeunes Béninois réinventent leur manière d’aimer la patrie. Engagement citoyen, critique du système, valorisation culturelle ou migration stratégique… Leur rapport au pays oscille entre espoirs lucides, colère, et rarement indifférence. Le sociologue Euthime HESSOU analyse, dans cet entretien, les ressorts de cet attachement parfois fragile à la nation.
Que signifie « aimer sa patrie » pour un jeune ?
Aimer sa patrie, pour un jeune, c’est contribuer au développement du pays, respecter ses symboles et valeurs, et s’engager dans des actions positives malgré les difficultés. C’est garder foi en l’avenir de la nation, sans trahir ses idéaux pour des intérêts personnels.
Quel sens les jeunes donnent-ils au patriotisme ?
Pour beaucoup, le patriotisme rime avec solidarité, justice sociale et participation citoyenne. Mais certains estiment qu’il doit être réciproque : “Pourquoi aimer un pays qui ne nous aime pas en retour ?” se demandent-ils.
Comment les jeunes expriment-ils ce patriotisme ?
Ils s’engagent de diverses manières : actions communautaires, participation aux élections, dénonciation des injustices, valorisation de la culture locale, création de projets ou de startups sociales. D’autres privilégient la critique constructive ou la résistance civile.
Les jeunes engagés dans des mouvements citoyens sont-ils toujours patriotes ?
Pas forcément. Certains agissent par opportunisme ou effet de mode. Mais la majorité le fait par conviction, par amour pour leur pays et par désir de le transformer vers plus de justice et de démocratie.
Quels facteurs influencent l’attachement ou le détachement des jeunes envers leur pays ?
Le chômage, la précarité, le népotisme, la répression et la corruption minent le patriotisme. À l’inverse, une gouvernance juste, des opportunités économiques et la reconnaissance des talents le renforcent.
Quel rôle jouent la famille, l’école et les réseaux sociaux ?
La famille transmet les valeurs patriotiques. L’école devrait les consolider, mais son impact est affaibli par un système souvent déconnecté des réalités. Les réseaux sociaux, eux, sont ambivalents : ils éveillent parfois les consciences, mais peuvent aussi nourrir la désinformation et le cynisme.
Précarité, chômage et corruption : quel impact sur le patriotisme ?
Ces fléaux sapent l’amour de la patrie. Lorsqu’un jeune diplômé reste au chômage ou voit prospérer les corrompus, il se sent trahi et abandonné. Le patriotisme devient alors un luxe réservé à ceux qui gardent encore l’espoir.
Que révèle la migration massive des jeunes ?
C’est un cri silencieux. Une quête de dignité et d’opportunités. Partir ne signifie pas toujours rejeter son pays, mais traduire l’impossibilité d’y réaliser ses rêves. Ce phénomène révèle un malaise profond que les politiques publiques doivent affronter.
Désillusion ou désintérêt : quelle différence ?
Le désillusionné aime encore la patrie, mais a perdu confiance dans ses dirigeants. Il critique et espère un changement. Le désintéressé, lui, a coupé les ponts : il ne vote plus, ne s’implique plus. La désillusion est douloureuse, le désintérêt est fatal.
Comment renforcer l’attachement patriotique chez les jeunes ?
Par une éducation civique active, des perspectives d’emploi, la valorisation des jeunes engagés, la fin de la corruption et l’implication de la jeunesse dans les décisions qui la concernent.
Comment rendre la patrie à nouveau désirable ?
En alignant promesses et réalités. Un pays désirable est celui où les rêves sont possibles, où la méritocratie prime, et où la jeunesse est écoutée et soutenue. Une patrie qui protège et inspire ses enfants, pas celle qui les pousse à fuir.
Oscar S. MEDO-ADOKON
Laisser un commentaire